dimanche 19 janvier 2014

La nuit tombe toujours un peu trop tôt. 


- bonsoir...
- bonsoir.
- tu sens l’alcool.
- oui, j’ai bu un martini rouge.
- tu en prendrais un deuxième ?
- peut-être.
- (prenant place) pourquoi c’est si dur une histoire qui n’a jamais commencé ?
- (silence)
- parce qu’étonnement, j’ai le coeur brisé. 
- (petite lueur au fond des yeux, ou les yeux qui fondent, je ne sais pas)
- tu me crois ?
- je ne sais pas.
- j’aurais préféré que tu gardes le silence. Après tout, je ne fais que rentrer à la maison et, tout en marchant, j’invente notre conversation, et tu devrais ne rien dire ; car si tu parles, tout s’évanouit. tu vois bien.
- alors on recommence depuis le début. tu marches, tu vois au loin les lumières du bar qui se rapprochent au fur et à mesure, tu ne penses qu’au son qui retentit à chaque pas ; plus tu t’approches, plus tu ralentis. Tu passes tout doucement devant le bar. c’est très exactement le moment où je tourne les talons, je rentre à l’intérieur, je vaque à mes occupations tu comprends, tu me vois, moi je ne te vois pas. c’est là le drame ; hier encore nous nous serions fatalement croisés. mais ça c’était hier. depuis, il n’y a que des bruits de talons, comme suspendus. c’est tout comme si tu avais toujours marché. c’est un peu triste, je te l’accorde. mais tu ne sais rien de moi après tout. tu n’as que ta tristesse pour seul témoin. peut-être même que tu as rêvé. et à présent tu te demandes si les rêves peuvent rendre aussi triste. peut-être. tes rêves à toi ressemblent à un dimanche. hier encore tu aimais ça. la tristesse est peut-être devenue ta nouvelle fatalité, mais ça n'est que ta dernière idée à la mode ; tu t’habilleras en noir ou de la couleur de l'anthracite, à tel point qu’on ne distinguera plus rien dans la nuit, si ce n’est tes joues rosies par le froid. et puis un jour tu finiras par retrouver le sommeil. tout redeviendra plus fluide. j’aurais disparu. envolé, mouettes, Dieppe. toi, tu marcheras probablement encore, mais probablement ailleurs.