samedi 8 décembre 2012


Sur la place de la Bourse la nuit était tombée depuis je ne sais quand laissant derrière elle quelques plumes accrochées au sol, congelées et silencieuses, incapables de prendre leur envol.
j'ai froid.
la journée a été difficile. elle ressemble pourtant à tant d'autres. alors pourquoi celle-là, pourquoi maintenant ; c'est le genre de choses qui doivent arriver.
vous me demandez : que s'est-il passé 
je crois qu'il ne s'est rien passé. 

quand je marche, j'écris. qu'en reste-t-il ?
le métro m'emporte déjà.
quand il faisait encore jour, j'ai prié pour apercevoir un visage familier.
inexorablement la réalité ne m'apporte rien que je puisse attendre

mardi 27 novembre 2012

Tous les matins, jours ouvrés.
Elle est là, cette dame hors d'âge, assise à la même table. Le week end je ne sais pas. Généralement je dors. Il n'y a que le travail qui puisse me forcer à me lever ainsi, me contraindre à ce point, et me priver de ma liberté.
Echappée. 
Ce matin, pour la première fois - et je sais pourquoi - je me suis dis que je devrais prendre le temps de m'arrêter. Lui demander pourquoi, tous les matins, elle est là.
Café, tartine jus d'orange. Les mots fléchés du seul quotidien disponible.
Madame, pourquoi êtes-vous là tous les matins ? Mais je suis déjà dans le métro, les larmes me montent aux yeux.
Là, assise sur un strapontin qui menace de céder, je pleure à l'idée que j'ai peut-être pris du poids - oui, encore, et que la dame du matin s'éteindra probablement sans qu'aucun souvenir de sa vie ne me soit conté.

dimanche 25 novembre 2012

48° 52' 7.96'', 2° 23' 9.52''
ça ressemble à une journée qui n'a pas existé.
ça ressemble à un jour férié.
un drame s'est déroulé. mais c'était un jour férié.
alors le drame n'a pas eu lieu.
ça ressemble à un lieu.

entre mes doigts l'odeur du sexe.
j'ai pensé à ne pas laver mes mains ce soir, et faire de cette fragrance le support de mes songes.
mais je suis une incorrigible conne, incapable de ne pas passer par le rituel du bain ; l'affaire s'annonce compliquée.
mon coeur hésite, tantôt soupire, puis dramatise ; choisir...
(le moment du bain est le seul moment où je peux percevoir et mesurer le temps qui passe)

mélancolie à la con, oui.
ce soir j'encule Baudelaire, étouffe Éluard, tarte Madame de Staël, je, je
je pourrais bien ne pas m'arrêter

assommez-moi. et baisez-moi pendant que je fais la morte. promis, je ne bouge plus. mais frappez plus fort : je ne veux pas en revenir. je ne veux plus penser.

mardi 20 novembre 2012

Encore dans le
métro
bondé.
s'accroupir et pleurer
ou encore
s'accroupir et lire
sans jamais plus en oublier
un mot

lire ou pleurer c'est à peu près la même chose.
à ceci près
que je décide d'ouvrir ce livre et c'est soudain comme si je
pouvais décider
de pleurer

"Réunis, chaque fois à jamais réunis, ta voix comble tes yeux comme l'écho comble le ciel du soir. Je descends vers les rivages de ton apparence. Que dis-tu ? Que tu n'as jamais cru être seule, que tu n'as pas rêvé depuis que je t'ai vue, que tu es comme une pierre que l'on casse pour avoir deux pierres plus belles que leur mère morte, que tu étais la femme d'hier et que tu es la femme d'aujourd'hui, qu'il n'y a pas à te consoler puisque tu t'es divisée pour être intacte à l'heure qu'il est."
 Éluard, La Vie immédiate
                                                        

samedi 17 novembre 2012

L'Habitude de l'été

Bien tôt réverbèrent les nuits.
J'aime marcher dans les rues
à cette heure où les réverbères
bientôt
s'allument

qu'il fait doux en ce lundi de mai

jeudi 15 novembre 2012

Way back home 
misère moderne

Etonnant. Et pas vraiment étonnant à la fois.
Je rentre, et j'espère qu'il me reste ce fond de martini au fond du placard, cette vision qui m'a accompagné way back home.
Cette même bouteille achetée au-cas-où il y a près d'un an et demi, lorsque je me suis installée rue L.
Pas d'évènement en particulier, pas de choc, pas de tremblement de terre émotionnel, rien de tout cela.
Rien qu'une longue journée, une longue semaine qui s'étend sans limite de durée semble-t-il, tandis
qu'octobre a déjà connu ses dernières heures,
à nouveau l'appétit se fait oublier,
le corps veut s'oublier ;
Ecrire.
Duras a écrit un livre comme ça. Je l'ai peut-être lu. Je ne sais plus.
Tout a déjà été fait - c'est là le drame, le drame indispensable à tout début. Il y aura toujours eu quelque chose avant. Avant soi.
La dernière fois - et la seule - où j'ai fini une bouteille de martini remonte à près de dix ans.
Après, après alors seulement, j'avais décidé de mourir.
Le martini avait donné un peu de douceur aux poudres de médicament amères, croquées, avalées, absorbées ; le goût du sud, du vin cuit, de l'enfance au milieu de la pinède.


Pas de martini rouge, donc.

A défaut je me suis préparé un sirop-de-citron-vert-eau-du-robinet, comme du temps où il faisait chaud. Il y a si longtemps déjà ; une éternité.
Après avoir
allumé l'ordinateur
dans l'appartement plongé dans cette heure
d'hiver irrémédiable, comme un point de non-retour,
ôté les chaussures pour arrêter le tac-tac-tac des talons que je me contrains à porter (si je ne fais plus de bruit, je disparais),
j'ai d'un geste simple refermé l'ordinateur
et dans le noir de la ville
j'ai écrit


mardi 13 novembre 2012

De nuit

j'aimerais vous rencontrer
si jamais
vous qui n'êtes jamais au bout du quai,
quand je rentre fatiguée et heureuse
d'un voyage lointain mais cependant trop court
cependant que Chopin
chopine accoudé dans un coin de gare
si jamais
quand revenant toujours je pose sur mes yeux des valises bien lourdes
j'ai le sommeil du désespoir
et l'amour dégueulasse

dans cette gare
d'aucuns reconnaitront ce pays hors d'age
si jamais
Austerlitz mon amour


jeudi 25 octobre 2012

bus n°64

je me souviens du présent et
je me souviens encore
de ce qui est à venir

mardi 16 octobre 2012



Octobre avance
à pas feutrés sur les murs et
les pavés
tard
tard il est déjà tard
Le Taj Mahal s'illumine quelque
part
rue Saint-Augustin
au menu du soir

jeudi 6 septembre 2012

Photo ©Fabléa 2012
Maman debout. Jamais assise.

Petite,
ma mère travaillait beaucoup.
un travail pénible, physique, souvent humiliant.
elle a traversé mon enfance comme on traverse un couloir inutile.
je la voyais peu.



le matin, elle était déjà partie depuis fort longtemps : le réveil sonnait avant cinq heures du matin.
Le soir dans mon lit plongée dans le noir j'attendais d'entendre la clef tourner dans la serrure, signal de son retour.
elle ouvrait alors discrètement la porte de ma chambre d'enfant-roi, un geste rituel après lequel seulement je pouvais enfin m'endormir.
c'est peut-être ainsi que j'ai commencé à faire des économies de sommeil.

à neuf ou dix ans, il m'était devenu tellement insupportable de la voir en permanence debout, comme un fantôme qui ne peut trouver le repos, éternellement envahie par les obligations du quotidien (cuisine, messe, vaisselle, courses, ...) - ne sachant plus même passer un seul coup de fil assise, si ce n'est une demie-fesse de temps à autres sur le rebord de la baignoire vide (quelle belle image triste) - je décidais de lui faire gagner du temps.

je l'avais tant de fois regarder faire.
ouvrir la planche à repasser dans un grincement insupportable,
y poser doucement le fer lourd,
le brancher dans la prise électrique,
allumer doucement le poste de radio,
prendre le tas de vêtements froissés.

en choisir un pas trop compliqué pour commencer.

et puis, il y a eu les culottes. car maman repassait tout.
et puis, il y a eu cette culotte-là.
la plus belle, la plus précieuse, faite de dentelle ajourée par endroits.

c'était lui rendre hommage. je pouvais rendre ma mère belle d'un geste simple, précis, aimant.
j'imaginais déjà son air ravi, refermant la porte de ma chambre tard, moi faisant semblant de dormir, moi esquissant ce petit sourire simple de contentement, la joie, oui, une joie indescriptible m'envahit tandis que je découvrais, presque simultanément,  que la culotte était de soie, soie qui avait fondu sur les rebords du fer à repasser, plus légère que jamais, réduite à rien.

maman ne m'a pas disputée.
moi j'ai beaucoup pleuré, violemment,
car ce jour-là j'ai tué l'unique culotte sexy de ma mère.

dimanche 2 septembre 2012

Gobi

passer la journée à moitié nue
le corps tendu et léger comme un voile
se rendormir encore et revenir sans cesse à la surface
horloge dont la mécanique s'est enrayée
à l'origine, un grain de sable
d'une provenance lointaine
et parfumée
rien ne se meut autour, rien que de l'air
j'ai la gueule d'amour
amour invisible et désordonné

faire de cet espace parisien un horizon sans fin
un appétit qui se gratte à chaque recoin
j'ai fait tant rêves cette nuit qu'il m'est impossible de les raconter
- le récit en serait tellement long
qu'il finirait par vous perdre
ou vous ennuyer

mercredi 22 août 2012

Laisser le métro bondé passer.
poursuivre sa lecture.
Autant que possible
se rouler en boule sur le quai.

mardi 21 août 2012

--
obsession ridicule.
on ne jette pas une clef bon sang.
on la perd.


(rengaine pour un chaos sur 21 mètres carrés)


--

lundi 20 août 2012

la nuit dernière nue
les draps emmêlés le sommeil impossible
je suis descendue de mon lit, comme l'homme descend du singe
- me ramenant à ma condition
de petit esprit
de mémoire d'oignon

là j'ai pleuré la mort de cet homme
qui
une dizaine d'années plus tôt
m'avait donné la clef de sa maison


je ne me souviens pas de la première fois où nous nous sommes embrassés
je ne me souviens pas comment nous avons cessé de nous voir

je me souviens du carpaccio quotidien, commandé au café d'en-dessous
nous étions comme au-dessus de la mêlée
chatte ronronnante douée d'un appétit d'oiseau
et sa gueule d'ange et ses lèvres épaisses dans un corps émacié
ses récits d'enfance
des chemins de fer qui se sont alors dessinés



alors peut-être,
peut-être
n'a-t-il pas vraiment existé

samedi 14 juillet 2012

Will-i-am

J'ai connu Marcel il y a quelques années.
Marcel dormait alors sous le flipper du café du Soleil, en chien de fusil.

Marcel voulait que je danse.
Il aimait me voir danser et plus encore, il aimait que les gens me regardent danser.
Je me souviens du regard de l'assistance, des hommes radoteurs et fatigués, ivres ou sur le point de l'être  - leurs yeux dans mon dos, glissant le long de la colonne sinueuse de ma scoliose d'enfant, et chuter entre mes reins...
Marcel voulait que je danse.
Et moi je dansais pour Marcel.


dimanche 8 juillet 2012

minutes

Je sais que dans quelques années, le dimanche lourd et pesant comme aujourd'hui, je repenserai à cet instant précis où, face à la boîte aux lettres vide, je suis heureuse.
NY, 2000
De même, lorsque émane le souvenir éclatant du petit 2-pièces du Faubourg, à ceci près que je n'avais pas de boîte aux lettres, mais qu'il me fallait accorder ma confiance à la concierge.
    j'ai au travers des années inlassablement repeint les murs de tous les lieux où j'ai vécu. Le temps qui passe donne à la mémoire de l'éclat. De chacun de ces murs exhale une certaine joie, et je sais aujourd'hui que je balade avec moi encore le même sentiment de liberté, comme un mouchoir usé et oublié dans la poche, qui dérange et ordonne tout à la fois.

 Je sais que dans quelques années je repenserai à ce quartier, aux ruelles sales autour de Notre-Dame de la Croix, aux pigeons endormis sur les marches de l'église à l'heure où ne courent que les nuages, à ma liberté d'aujourd'hui, au clocher qui hurle sa messe, au mois de juillet paisible et au linge bientôt propre dans un cycle de 45 minutes.
Quarante-cinq minutes. Pas une de plus.

samedi 30 juin 2012

peut-on vraiment quitter sa famille
au point de se noyer dans la masse de l'inconnu

dimanche 29 avril 2012

Re :


Paris souffle
sur les siestes froissées
à l'ombre des nuages filant
les uns après les autres
le dimanche pressé
le soleil aveugle
un instant
déjà oublié
nul ne l'emportera
au Paradigme

samedi 14 avril 2012

avril
je veux dormir fatiguée
les yeux ouverts
la bouche pincée
la mer à boire.

mardi 10 avril 2012

le mot du jour

coupez-moi un bon morceau
un morceau dans la hampe
oui, comme ça, s'il vous plaît.
oui
- et avec ça
avec ça sera tout.

lundi 9 avril 2012

mon père (est-ce bien ainsi que cela s'écrit?)
mon père ce grand homme
est parti
sa mémoire avant lui

le journal du matin endormi
comme un poisson-qui-bouge
a glissé d'entre ses doigts

le son de sa voix est parti
avec lui



Au vieux monsieur inconnu d'aujourd'hui
avec vue sur jardinet

lundi 26 mars 2012

heure d'été
C'est tout comme si quelqu'un venait frapper à ma porte
c'est tout comme si je répondais
"je ne suis pas là"

vendredi 16 mars 2012

lundi 12 mars 2012

j'aime les dimanches
comme une idée de fin du monde
qui transpire dans une tasse de thé

dimanche 11 mars 2012

analepse

à Porto, dans une très vieille librairie - a Livraria Lello - fuyant un soleil de plomb,
à l'heure où les gens siestent,
je déambule sans être pressée entre les rayons chargés d'ouvrages colorés...
le parquet craque doucement sous mes talons jusqu'à ce que
mes pas s'arrêtent au rayon Géographie (où personne ne va, cela va sans dire).
dans un silence bienheureux je feuillette agenouillée un ouvrage sur les différentes projections cartographiques jusqu'à ce que
cette quiétude soit interrompue par des pas, lents, au loin, des pas qui semblent se rapprocher, dans ma direction ...
silence, à nouveau.
je reconnais ces chaussures et
sans quitter ma position, ne lâchant pas l'ouvrage d'entre mes mains, il s'introduit dans ma bouche silencieuse, doucement, puis accélère le mouvement.
Au bout de quelques minutes (deux ou trois peut-être), un râle semble le secouer,
le temps se suspend
le temps se répand dans ma bouche, chaudement

puis il repart, comme il est arrivé, le parquet craque à nouveau,
dehors, la vie reprend

samedi 21 janvier 2012