jeudi 10 avril 2014

Avril, Avril

Tu vois je marche sur cette avenue, ou peut-être est-ce un boulevard, je crois qu'il n'a pas de nom de toutes façons, je marche et le bitume est triste, je me reflète dedans, le soleil cherche à me réchauffer, j'ai eu froid toute la journée durant tu sais, mais comment s'appelle cette rue, merde, ce n'est écrit nulle part et c'est peut-être mieux ainsi, je sais qu'au bout il y a la ville et ça suffira bien, je vais me perdre dedans, une sieste éternelle et tranquille, je sens que je pourrais marcher très longtemps, doucement, prolonger un pas dans l'autre, dans un continuum sans fin, mes pas m'avaleraient, on dirait que c'est la fin du début, et pas l'inverse c'est du déjà-trop-vu, moi aussi, moi aussi j'arrive à la ville, j'arrive à la ville je n'y reviens pas c'est bien différent tu comprends à présent, ma ville à moi c'est un peu le Mexique, ça fait rêver parce qu'il y a un X dedans et que ça floute un peu le désir, les X comme ça au milieu des mots, j'ai connu un homme il y a des tas d'années, il était barré de X comme ça, torride et impossible à toucher, à saisir, mais pourquoi vouloir s'en saisir après tout, Avril, Avril, un trait de Xérès signe un désert éternel et tranquille, demain les châteaux d'Espagne, les montagnes de Serbie, les cailloux de l'Altiplano, et puis toujours, au loin et pour seul horizon, le Mexique des grands hommes qui n'ont rien compris, mais pourquoi vouloir comprendre après tout me dis-tu — parce que tu parles à présent, tu t'invites, viens, on ira au Mexique, y'a des hommes-cactus là-bas, des filles à l'aloé, des sourires qui barrent la lisière du désert, et puis des cailloux, des cailloux à perte de vue, tu verras, je les transformerai en pain si tu as faim, viens — viens