dimanche 15 mai 2016

Desiderata 

Il te rejoint sur les marches de l’église, quelques nuages sont venus voiler le soleil de mai.
Je peux m’asseoir ? Il dit ça pour détendre l’atmosphère, peut-être. Ou peut-être qu’il n’a juste pas compris que quelque chose avait fait un nœud, un nœud maladroit d’écolier, un nœud difficile à défaire.
Il faudrait reprendre les bases, s’appliquer, faire comme les grands – mais pourquoi diable faut-il faire comme les grands ? Pourquoi faudrait-il même faire semblant de faire comme les grands ?


Masque de Méduse


Je crois que ça a commencé sur l’Altiplano. Ce jour-là le temps s’est incrusté en toi comme jamais. Tu voulais marcher, marcher encore et encore, mais l’immensité t’ordonnait d’être un géant, alors tu t’es laissé porter par le vent qui passait par là. Tu es devenu cette pierre, ce caillou silencieux chargé de trop d’histoire. Le vent a continué à te faire rouler toujours plus vers le Sud. Il s’est chargé de parler pour toi, gorge sèche et cage thoracique devenues comme figées. Tu as roulé jusqu’aux rebords du monde, jusqu’à plus soif, jusqu’à ce que la Terre elle-même vienne à disparaître dans les quarantièmes rugissants, et d’un plongeon dans l’océan des cinquantièmes hurlants. Quelque chose devait hurler pour toi, quelque chose devait émaner de ton thorax pétrifié.
Tu es de ces hommes barrés de X, à la lisière du monde, 
le Mexique était un compromis impossible à accepter : tu veux t’étendre sans fin. 
Ne jamais t’éteindre, 
au diable les glaciers 
plus tu respires et plus tes poumons se chargent d’un froid impossible à oublier, tes alvéoles glacées en porteront désormais le témoignage éternel, 
le ciel t’a regardé et en te regardant 
il t’a pétrifié 
au moindre choc tu seras brisé en d’innombrables morceaux, impossibles à compter. Une petite pluie de cailloux viendra lentement tomber 
lentement sur le sol
comme une poussière de volcan
tephra, 
lapilli, 
cendres. Tu fertiliseras la terre, tu marches à présent sur la prairie verte de ton enfance. 
Ecoute ce silence qui murmure dans tes yeux lavés d’encre
car les mots sont comme ces roches intrusives qui fardent le repos éternel







Et mon cul, cet incessant printemps fragile.